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ZOÉ VAN DER HAEGHEN : ARBRES/TRONCS

QRONIQ#005 | ZOÉ VAN DER HAEGHEN | ARBRES-TRONCS (2017-2021) | MUSÉE DE LA PHOTOGRAPHIE | MONT-SUR-MARCHIENNE (CHARLEROI) | EXPO 29 01 - 15 05 2022 —

Illustration principale

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15 02 2022 — Arbres-Troncs est un ensemble d’impressions en grand format dont l’intérêt tient à ce qui déborde la photographie comme médium. Bien sûr il y a ces prises de vue en noir et blanc de troncs calcinés, il y a le travail d’atelier, il y a un support où règne largement la couleur ; il y a même un champ référentiel qui examine « Le Blanc Seing » de René Magitte comme la Color Field Painting de Barnett Newman, avec des attirances pour Max Ernst, Georgia O’Keeffe ou Robert Motherwell. Il y a aussi tout autre chose dans ce travail. Si on oublie les tuyaux et les radiateurs de la salle d’exposition pour se concentrer sur l’accrochage, trois vibrations frappent. D’abord un continuum se prêtant sans doute à des associations par deux ou trois tendant au dyptique ou au triptyque, mais un mystère circule hors et entre supports et cadrages. Ensuite la photographie n’est pas seule à définir ces images où s’éploie un lyrisme sévère, ample et rèche. Enfin la matière est là, pas seulement celle des prises de vue du bois carbonisé ou des jeux des films de plastique coloré interposés. Ce que ce travail saisit et détoure avec une franche clarté, c’est d’abord un paysage vu avec les yeux de la plus profonde mémoire, celle des parcours dans la réserve naturelle de Kalmthout, un site où longtemps des peintres ont travaillé mais où la nature évolue, parfois soumise aux incendies, comme celui de 2011 dont les stigmates et les moignons n’ont pas disparu. Á vrai dire la guerre puis l’écologie sont des facteurs d’évolution. On observe des bunkers et des traces de tranchées anti-chars. On constate aussi la disparition des proliférations de conifères pour retrouver des physionomies dunaires proches de celles qu’ont connu les peintres à la fin du XIXe siècle, Crabeels, Heymans, Rosseels ; et Henry van de Velde avant d’être architecte. Souvent la photographie est un art de l’instant, de la fraction de seconde, mais ici une lenteur est à l’œuvre, c’est la durée qui est expérimentée, plusieurs temporalités s’entremêlant à la fois sur site et dans la réalisation des œuvres. Techniquement, ce qui cadre les vues est en partie lié à l’optique photographie, en partie aux outils de découpe qui mettent les tirages en pièces et aux superpositions des transparents de couleur, en partie encore à la disposition, même à l’assemblage des éléments, sorte de dépôt A4 que fixe le scanner avant la retouche numérique. L’agrandissement manifeste le propos : picturalité de la photographie et tactilité de l’image. Celle-ci résulte d’une chaîne composite où les circonstances ont interféré, avec au bout du processus une impression haut de gamme qui magnifie les traces encore visibles du « faire » autant que l’intemporel qui en émane. Comme les troncs brûlés, quelque chose se dresse encore que la photographie fait entrer en résonance avec la taille du support final où des lignes de coupe interagissent dans un jeu de plans qui se résout entièrement à la surface du papier. La couleur règne, intense, sauf là où s’interposent les effigies de la calcination, qui escamotent toute idée d’horizon. Les troncs que le feu a minéralisés, ce sont des gisants verticaux. On pense à la culture sur abattis-brûlis mais c’est aussi la guerre qui hante ces assemblages où la texture du réel écrit ce qui sépare les couleurs, et là, dans ces séparations réside la cohérence de l’ensemble, qui tient le mur comme un cri sourd tétanise une nuit de silence épais teintée de souvenirs sans mots. Quelque chose de pétrifié dénué d’effroi emplit le papier support d’un calme presque géologique amplifié — et allégé — par un air saturé de couleurs en hymne aux mémoires des lieux. Ce qui est mort après l’incendie est précisément ce qui vit dans les regards qui parcourent la série en s’arrêtant souvent aux lignes de force qui en nervurent le mode d’existence ; et la couleur artificielle en regard déborde de vie.

 

… … 2022 — Á suivre…

 

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